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L’irrédentisme italien dans la première moitié du XXème siècle : déstabilisations culturelles et sociales

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Irredentisme
En vert l’Italie, les autres couleurs représentent toutes les régions convoitées par l’Italie Fasciste comme « terre irredente ».

L’irrédentisme (du terme italien irredento qui signifie « non délivré »), fut un mouvement d’opinion, intellectuel et politique, qui voulait, selon sa propre inspiration, perfectionner l’unité italienne en y raccordant les terres considérées comme telles mais soumises à une domination étrangère. Il fut un des grands combats de Garibaldi, mais dans une volonté de fondation d’un royaume fort et soudé, puis repris dans les années 1920 par Mussolini, cette fois ci avec une visée que l’on pourrait qualifier d’impérialiste.

Les premières traces d’irrédentisme se décèlent au moment où Napoléon, consacrant véritablement la Corse comme un territoire Français, va tenter de s’emparer de la Ligurie, de la Toscane ou du Piémont, ce qui renforcera considérablement l’attachement de ses populations à l’idée italienne et leur enracinement dans le roman qui était alors en train de se créer et qui naîtra soixante ans plus tard entre les mains de la famille de Savoie. L’irrédentisme de cette période, qui avait pour but de réunir toutes les populations d’ethnie italienne ou italophones était plus proche d’un mouvement philosophique italianisant que d’un impérialisme violent.

Après la Première Guerre mondiale puis, à l’aube des années 20 avec l’accession au pouvoir des fascistes, naquit un irrédentisme agressif, une philosophie coloniale et impérialiste qui tendait à vouloir recréer une « grande Italie », un empire romain moderne. C’est ainsi que l’Italie fasciste va mettre en place un vaste programme de propagande sur le terrain pour rallier les populations à sa cause, notamment par des journaux écris en Italien ou des subventions pour venir étudier en Italie ; ces arguments s’ancreront dans une partie de la société Corse, société ou le français n’avait en 1920 qu’une place absolument mineure, la majorité de la population lettrée lui préférant parfois encore l’italien, qui rappelait la langue maternelle de ces derniers. C’est ainsi que les Gruppi di Cultura Corsa , composés de plusieurs dizaines de milliers de membres (environ 72 000 à son apogée), véritable milice irrédentiste, étaient dirigés par un militaire d’origine Corse, Petru Giovacchini.

D’autres territoires français vont aussi subir cette volonté expansionniste : le comté Niçois où l’on estimait le nombre d’italophones à presque 5000 ainsi qu’une partie de la Savoie. Ils lorgneront aussi du côté des cantons du Tessin et du Grison en Suisse, qui sont toujours italophones, ainsi qu’en Yougoslavie, dans la région de la Dalmatie. Il y avait donc là une œuvre de déstabilisation intérieure des pays voisins, en s’immisçant, à travers des associations, des aides financières et des distributions de tracts de propagandes, à grand renfort de discours nationalistes et enflammés, typiques des modèles intellectuels fascistes. Ces pays paieront de longues années de tensions et de déchirures entre les « pro » et les « anti », entre ceux qui y voyaient un retour à la patrie originelle et ceux qui ne voulaient trahir leur présente terre… Ces événements seront un paramètre majeur de la longue descente aux enfers de l’Europe jusqu’à l’éclatement, en 1939, et les conséquences dramatiques qu’on lui connait.

Le traité de Paris de 1947, puis celui d’Osimo en 1975, fixeront définitivement les limites géographiques de l’Italie, mais les trente ans de règne fasciste et son influence dans de nombreuses sociétés laissa des cicatrices indélébiles. Ainsi en Corse, premier département libéré le 4 octobre 1943, de nombreux jeunes, intellectuels ou non, choisirent durant la guerre le camp Italien et le payèrent souvent de leur vie à la défaite ; entraînant de profonde dissensions et conflits dans la société. Ce genre de fracture sociétales furent une conséquence de l’Italie fasciste, sur le territoire français, mais aussi sur son propre territoire où les nostalgiques (face aux communistes), et nous auront l’occasion de le traiter dans un prochain article, conditionneront les « anni di piombo » qui, de façon morbide, rythmeront la vie italienne de la seconde moitié du XXème siècle, véritable microcosme de la guerre froide, comme l’irrédentisme représenta en son temps les fractures culturelles d’une Europe malade de la Première Guerre mondiale, où les peuples ne trouvait plus de place dans des nations dévastées.

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